Un musée en perpétuelle évolution
Alliant avec brio fonctionnalité, esthétisme et respect de l’environnement, la Fondation Beyeler ne se contente pas d’abriter des oeuvres d’art : elle est elle-même une oeuvre à part entière, offrant aux visiteurs une expérience sensorielle unique dans un écrin de verdure enchanteur.

Les musées ne se contentent plus d’exposer des oeuvres. Ils façonnent l’identité d’un quartier, d’une ville, voire d’un pays. Le Louvre à Abu Dhabi, conçu par Jean Nouvel, en est l’exemple frappant. À Riehen, petite commune aux portes de Bâle, la Fondation Beyeler joue ce rôle avec éclat. Inaugurée en 1997, ce musée d’art - l’un des plus appréciés de Suisse! - est le fruit de riches échanges entre feu Ernst Beyeler (1921-2010), galeriste, collectionneur et figure majeure de Bâle, et l’architecte génois Renzo Piano, qui s’était déjà illustré, jeune, en collaborant avec Richard Rogers sur le Centre Pompidou.

En symbiose avec la nature
Nichée au coeur du parc Berower, la Fondation Beyeler est entourée de vieux arbres, d’étangs et d’une vue imprenable sur les champs de blé et les vignobles flanqués sur les contreforts de la Forêt-Noire. Ce cadre bucolique a guidé Renzo Piano dans la conception d’un bâtiment qui se fond dans son environnement avec une rare élégance. Celui-ci a en effet été pensé pour créer une continuité entre intérieur et extérieur. Dès le début du projet, Piano a imaginé une structure tripartite qui se fondrait par étapes dans le terrain. Pour permettre un accès de plain-pied, sans marches, à l’ensemble de la collection, il a choisi d’abaisser le bâtiment. L’utilisation du porphyre rouge pour les murs, une pierre volcanique de Patagonie, donne par ailleurs au musée une impression d’intemporalité, comme s’il avait toujours fait partie du paysage.
La lumière naturelle, alliée de l'art
L’un des défis majeurs de Piano était de concevoir un espace baigné de lumière naturelle, tout en protégeant les oeuvres exposées. Son idée maîtresse fut un toit de verre qui semble flotter au-dessus des murs en pierre. Ce toit ingénieux capte la lumière du nord, tandis que l’est et l’ouest sont protégés. Résultat: pas d’ombres gênantes dans les vingt-deux salles d’exposition. Les façades en verre mat filtrent la lumière avec subtilité, générant une atmosphère vivante et dynamique qui évolue au fil des heures et des saisons.

À l’ouest, un jardin d’hiver offre une vue dégagée sur la colline Tüllinger. Au sud, un plan d’eau parsemé de nénuphars évoque les toiles de Monet et sert de transition fluide entre la nature et les espaces d’exposition. Des bancs de pierre sur la pelouse permettent aux visiteurs d’apprécier l’art en plein air.
Une extension discrète et fonctionnelle
Moins de deux ans après l’inauguration du musée, en l’an 2000, le bâtiment est prolongé de 12 mètres. La surface d’exposition est agrandie de 458 m2, passant ainsi à... 3764 m2, ce qui permet une gestion plus souple des besoins des exposants. Fidèle à son approche épurée, Renzo Piano conçoit un espace qui se fond dans le paysage, mettant l’art au premier plan sans jamais l’éclipser. Cette nouvelle aile reprend les codes architecturaux du bâtiment principal: murs en porphyre rouge, vastes façades vitrées et une verrière filtrant une lumière douce et naturelle.
Mais au fil des années, sa collection en pleine expansion, la Fondation Beyeler se trouve à nouveau à l’étroit. Aussi décide-t-elle d’acquérir le parc privé Iselin-Weber, adjacent au musée. Pendant des mois, le nom de l’architecte auquel sera confié le renouveau du lieu reste un secret jalousement gardé, alimentant les spéculations jusque dans les allées d’Art Basel 2016. En septembre de la même année, le voile se lève enfin: c’est Peter Zumthor qui sera aux commandes. L’architecte bâlois, connu pour sa rigueur et son approche sensorielle de l’espace, est choisi à l’unanimité par un comité international d’experts, au terme d’un concours réunissant onze cabinets d’architecture de renom.

Plutôt que d’ajouter une simple extension, Peter Zumthor repense le musée comme un véritable lieu de vie et de partage. «Aujourd’hui, un musée est un espace social, où l’on vient se former, se distraire, se rencontrer. Cette extension est donc essentielle pour la Fondation», explique-t-il. Son projet repose sur trois nouveaux bâtiments, intégrés au prolongement du parc Berower: un bâtiment dédié aux réserves et à l’administration, assurant la conservation des oeuvres dans des conditions optimales ; un espace polyvalent pour les événements, conçu pour accueillir conférences, concerts et vernissages dans un cadre intime et inspirant. Et une «villa pour l’art», un édifice en béton damé de 1500 m², articulé sur trois niveaux. Ses vastes espaces d’exposition, baignés de lumière naturelle grâce à de grandes baies vitrées, s’ouvrent directement sur le parc Iselin-Weber et ses frondaisons.
Un nouvel écrin au coeur d'un parc historique
Dessiné au XIXe siècle par Jean-François Caillat - le même paysagiste que le domaine Berower - ce parc s’inscrit dans la tradition des jardins à l’anglaise. Ses arbres centenaires, son bassin aux nymphéas et son ambiance romantique en font un cadre idéal pour ce projet d’extension. Longtemps resté un domaine privé, ce havre de verdure s’ouvrira bientôt au public, devenant un nouvel espace de promenade pour les habitants de Riehen. Ainsi, plus qu’un agrandissement, cette transformation marque une nouvelle étape dans l’histoire de la Fondation Beyeler, affirmant sa vocation de musée du XXIe siècle: un lieu de contemplation, mais aussi d’échanges et de rencontres.
