La plus vieille maison de Meyrin
Dans la commune genevoise de Meyrin, un bâtiment vieux de 650 ans subsiste à proximité d’un centre de recherche nucléaire et d’un hôpital de pointe: la Maison de la Tour.

C’est à quelques encablures du CERN, le laboratoire européen pour la physique des particules, de l’aéroport international de Genève et de l’Hôpital de la Tour que se trouve la plus ancienne bâtisse de Meyrin (GE). «La Maison de la Tour est ce que l’on appelle une ‘maison haute’, explique François Beuret, archiviste de Meyrin. Tandis que les ‘maisons fortes’ du Moyen-Âge se caractérisent par la présence de divers éléments défensifs, tels des murs épais, des meurtrières, etc., les maisons dites hautes sont des bâtiments qui se distinguent par la qualité de leur architecture et la présence de plusieurs étages.»
De ferme à maison de maître
La construction initiale remonte au XIVe siècle, rappelait l’archéologue Jacques Bujard dans une analyse parue en 1998 dans la revue spécialisée Genava. Ce premier bâtiment agricole est transformé en maison haute en 1442, alors qu’il est la propriété d’un certain Jean Bâtonnier, avec l’ajout d’une tour de deux étages sur rez-de-chaussée. Ce dernier se compose d’une cuisine et de ce que l’on suppose être une cave adjacente, tandis que le premier étage accueille une salle éclairée par des fenêtres à meneaux, ces traverses, typiques du Moyen-âge, qui renforcent la structure d’une fenêtre et la divisent en plusieurs parties. Les pièces supérieures, quant à elles, auxquelles on accédait par un escalier à vis, suivaient une disposition similaire. Cette reconstruction a non seulement transformé l’aspect de la maison, mais en a aussi fait un symbole de stature.
L’une des filles de Jean Bâtonnier, Jeannette, épouse ensuite Jacques Nergaz, qui s’illustre notamment comme premier syndic de Genève vers la fin du XVe siècle. Leur fils, Michel, doit faire face le 8 octobre 1530 à une centaine d’hommes venus de la future Cité de Calvin pour piller les biens de la maison, supposant qu’on pourrait y trouver «quelques amas de vin et de blé», rapporte Eugène-Louis Dumont dans son ouvrage Histoire de Meyrin, édité par la commune en 1991.

Incendiée par des soldats autrichiens
Au cours des siècles suivants, le bâtiment connait divers aménagements, destinés notamment à le subdiviser en plusieurs logements. Il est incendié le 14 mars 1814 lors d’une expédition punitive menée par des troupes autrichiennes occupant alors la commune. «Il faut rappeler que Meyrin n’a été rattachée à Genève qu’à la suite du traité de Paris de 1815, dit François Beuret. L’idée était d’agrandir le nouveau canton de Genève et faire en sorte qu’il dispose d’une frontière suffisante avec le territoire suisse.»
Un changement sur lesquels ni la commune ni les habitants n’ont pu s’exprimer et qui a suscité certains regrets du côté français. «Cette perte s’ajoutait à la défaite de l’Empire. Il existe d’ailleurs un document datant de cette période où les notables du Pays de Gex soulignent qu’ils continueront de considérer les Meyrinois comme des amis. Il faut dire qu’il existait déjà à l’époque des liens étroits entre les différentes communautés.»
La bâtisse est rapidement reconstruite à la suite de l’incendie. Vers 1820, l’installation d’un atelier d’horlogerie dans la pièce qui se situe au-dessus de la cuisine médiévale provoque le remplacement d’une des baies gothiques par une fenêtre plus large. Entre le XIXe siècle et la première moitié du XXe siècle, l’édifice est la propriété de la famille Dubois. L’une de ses représentantes, Aline Spaenhoven-Barbier, fait don en 1955 du bâtiment pour qu’il serve de cabinet médical. En 1969, elle offre des terrains adjacents qui seront utilisés pour établir l’Hôpital de la Tour, inauguré en 1976. En 1994, la Maison de la Tour fait l’objet d’une analyse poussée, qui a également permis de restaurer certains éléments architecturaux caractéristiques, dont des fenêtres gothiques.